Réglementation, sécurité sanitaire des aliments
La gestion des allergènes, de nouvelles perspectives pour garantir la sécurité des consommateurs allergiques
23
Jan
Publié le : 23/01/2025
La gestion des allergènes, de nouvelles perspectives pour garantir la sécurité des consommateurs allergiques*
Introduction
Le 27 novembre 2024, le Comité du Codex sur l’étiquetage des denrées alimentaires a adopté la révision de la norme générale pour l’étiquetage des denrées alimentaires préemballées (CXS 1-1985) (2), et en particulier des dispositions spécifiques relatives à l’étiquetage des allergènes. Ces révisions font suite aux résultats de la consultation conjointe d’experts FAO/OMS sur l’évaluation des risques liés aux allergènes alimentaires menés depuis 2020 (Tableau 1), FoodDrinkEurope (FDE) a également publié un document de positionnement sur l’étiquetage de précaution des allergènes (PAL) (3), basé sur une évaluation quantitative des risques (QRA) , Ce document intègre les développements récents du Codex, visant à renforcer la protection des consommateurs allergiques en rendant l’étiquetage de précaution plus significatif et transparent. Une prise en compte de cette norme et de ce positionnement dans la règlementation européenne permettrait d’améliorer la gestion du risque allergène dans les IAA grâce à un étiquetage de précaution harmonisé.
Tableau 1: Rapports publiés par la Consultation mixte ad hoc d’experts FAO/OMS sur l’évaluation des risques liés aux allergènes alimentaires
Les allergies alimentaires, un enjeu de santé publique
Une allergie alimentaire est définie comme une réaction immunitaire inadéquate et immédiate chez les personnes ayant une prédisposition génétique, après avoir consommé un aliment comportant un allergène, principalement de nature protéique. En France, 25 à 30% de la population souffre d’une maladie allergique, ce qui rend l’étiquetage des allergènes crucial pour la sécurité des consommateurs. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, les maladies allergiques se classent quatrièmes parmi les affections chroniques (4). L’étiquetage relatif à la présence d’allergènes est donc très important pour les personnes présentant une allergie alimentaire, étant donné que des réactions allergiques ne peuvent être évitées qu’en retirant les produits à risque de leur régime alimentaire.
L’Union Européenne a défini une liste de 14 allergènes à déclaration obligatoire (ADO) qui doivent être indiqués au consommateur lorsqu’ils sont ajoutés volontairement à des produits alimentaires (5). Ces allergènes incluent les céréales contenant du gluten, les crustacés, les œufs, les poissons, les arachides, le soja, le lait, les fruits à coque, le céleri, la moutarde, les graines de sésame, l’anhydride sulfureux et les sulfites, le lupin, et les mollusques. En 2018, l’Anses (6) a identifié de nouveaux allergènes émergents comme le sarrasin, le lait de chèvre, les lentilles, et les pois, qui présentent un risque de réaction allergique parfois plus élevé que les ADOs. Cependant, l’étiquetage des allergènes émergents n’est pas encore obligatoire en Europe. L’exportation vers des pays hors UE doit faire l’objet d’un étiquetage conforme à la réglementation du pays de destination.
Les mesures de maîtrise vis-à-vis des allergènes
L’étiquetage des allergènes à déclaration obligatoire
L’étiquetage des allergènes à déclaration obligatoire (voir paragraphe précédent) permet de protéger le consommateur d’un aliment contenant des ADOs intentionnellement ajoutés dans la recette. Le Règlement (UE) n° 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires stipule que tout ingrédient ou auxiliaire technologique provoquant des allergies ou des intolérances doit être mentionné sur les denrées préemballées. Les mentions doivent inclure une référence claire et une mise en évidence du nom de la substance allergène dans la liste des ingrédients. En l’absence d’une liste d’ingrédients, l’étiquette doit indiquer « contient » suivi du nom de la substance allergène.
Prévention des Contaminations Croisées
Les bonnes pratiques des opérateurs de transformation permettent de limiter les risques de contaminations croisées. Cela inclut, par exemple, la gestion rigoureuse des allergènes à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement, la séparation et le zonage des produits alimentaires et des équipements, et la sensibilisation des opérateurs aux bonnes pratiques d’hygiène. La gestion des achats doit également prendre en compte la présence d’allergènes dans les matières premières intentionnelle ou fortuite pour garantir la sécurité alimentaire. Les protocoles de nettoyage doivent être validés vis-à-vis des allergènes potentiellement présents, et les recettes et étiquettes doivent être vérifiées et validées. La vigilance est également indispensable lors du développement de nouveaux produits ou modification des dispositions de production.
Étiquetage de Précaution
En cas de présence possible d’allergènes due à une contamination croisée, un producteur peut indiquer « peut contenir des traces de… » sur l’étiquette. Cependant, l’utilisation systématique de ces avertissements sans raison valable réduit leur efficacité et la crédibilité de l’avertissement. L’utilisation du PAL doit être justifiée par une évaluation des risques et ne peut remplacer les bonnes pratiques de prévention des contaminations croisées. Le codex alimentarius recommande une approche basée sur l’évaluation quantitative des risques pour rendre l’étiquetage de précaution plus significatif et transparent.
Focus sur l’analyse de risque basée sur des Doses de Référence
Les travaux des experts FAO/OMS (voir Tableau 1) ont déterminé des doses de référence pour huit allergènes prioritaires. Ces doses sont basées sur des valeurs ED05, offrant une protection à 95% de la population allergique.
Une conversion de la dose de référence est nécessaire pour comparer les niveaux de contamination croisée dans les produits (présence involontaire d’allergènes) avec les niveaux considérés comme sûrs. La dose de référence est une quantité absolue de protéines d’un allergène par dose/occasion. Pour convertir la dose de référence en une limite d’action spécifique au produit, il est nécessaire d’estimer la consommation réaliste du produit lors d’une occasion de consommation et d’appliquer la formule suivante :
Voici un exemple simplifié d’analyse basé sur l’arbre de décision proposé dans les travaux FAO/l’OMS ; avec UAP= unintended allergen presence (présence involontaire d’allergènes), AL=action level (limite d’action), RD=reference dose (dose de référence).
Plusieurs pays de l’Union Européenne ont également mené des travaux sur l’évaluation des risques liés aux allergènes alimentaires, ouvrant la voie à une possible harmonisation de la réglementation :
- Belgique : Le SciCom (Comité scientifique belge) a proposé des doses de référence pour les allergènes alimentaires, alignées sur les valeurs ED05 recommandées par la FAO/OM (7)
- Pays-Bas : Le VWS (Ministère de la Santé, du Bien-être et des Sports) a également adopté des doses de référence basées sur les valeurs ED05 pour les allergènes alimentaires (8)
- Allemagne : Le BVL (Office fédéral de la protection des consommateurs et de la sécurité alimentaire) a recommandé des doses de référence similaires pour les allergènes alimentaires (9)
Conclusion
La révision de la norme générale pour l’étiquetage des denrées alimentaires préemballées marque une avancée significative dans la gestion des allergènes alimentaires. Les nouvelles dispositions visent à améliorer la sécurité des consommateurs en fournissant des informations claires et précises sur la présence fortuite d’allergènes dans les produits alimentaires pouvant présenter un risque sanitaire. L’intégration des recommandations du comité mixte FAO/OMS et de FoodDrinkEurope permettrait de renforcer la protection des consommateurs allergiques en encourageant un étiquetage de précaution plus significatif et transparent.